La controverse des mégabassines: que dit la science?
Introduction
La société coopérative anonyme de l’eau des Deux-Sèvres (COOP 79), se base sur les résultats du rapport du BRGM dont la version finale a été livré le 17/06/2022 pour justifier scientifiquement la construction des réserves de substitution. Ce rapport a été suivi par la DDT79, la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres, la Coordination Marais Poitevin (France Nature Environnement), le Département des Deux- Sèvres, Établissement Public du Marais Poitevin, l’Agence de l’eau Loire Bretagne, Fédération de pêche, l’ARS, le Syndicat des eaux du Vivier, ainsi que plusieurs maires. Les « pro bassines » s’appuient également sur le rapport du GIEC en affirmant que ces deux institutions soutiennent les réserves, car la pluie sera bien plus abondante en hiver dans le futur!
Existe-t-il alors un consensus scientifique ?
Dans le cadre du projet de construction de 16 retenues de substituions dans le département des Deux-Sèvres, la Coopérative de l’eau (COOP79) – qui est le maître d’ouvrage – a commandé une étude de simulation au BRGM afin d’évaluer l’impact des retenues sur les niveaux piézométriques des nappes phréatiques et les débits des cours d’eau.
En 2013, 2016 et 2019, le BRGM avait déjà été sollicité par la COOP79 pour évaluer l’impact de ses projets successifs de réserves de substitution. Les simulations de 2013 et de 2016 ont mené à baisser successivement le volume d’eau initiale de 8.6 millions de m3 à 8 millions en 2019 puis 6.2 millions en 2021.
Un collectif d’associations dépose un recours contre les arrêtés préfectoraux de 2017 et de 2020. Sur les 16 retenues, 7 ont reçu une autorisation de construction sur le bassin de la Sèvre Niortiaise Marais Poitevin. Les autres projets de retenues sont suspendues à la baisse du dimensionnement de leurs volumes.
L’expertise, financée en 2021 par la COOP 79, visait à simuler les impacts d’un nouveau scénario de prélèvement d’eau sur les nappes et les débits des cours d’eau. Elle s’appuie sur un modèle hydrodynamique régional, basé sur des données de 2000 à 2011, et a comparé deux scénarios de stockage. L’étude ne constitue pas une analyse complète des impacts, mais se concentre sur les effets des prélèvements envisagés. Elle souligne la nécessité d’actualiser les modèles pour inclure des données récentes et les effets du changement climatique.
Rapport RC-71650-FR (juin 2022) – le BRGM et le projet de réserves de substitution dans les Deux-Sèvres
L’analyse du rapport du BRGM de 2022 sur les réserves de substitution pourrait initialement laisser penser à un impact globalement positif sur les nappes phréatiques, les débits des cours d’eau et les zones humides du Marais Poitevin. Cependant, cette interprétation simpliste ne rend pas compte de la complexité du document et des controverses qu’il a suscitées. En effet nous allons voir que ce rapport est remis en cause par des scientifiques.
Les résultats
Le BRGM conclut à une amélioration globale du niveau des nappes phréatiques en période de printemps-été grâce aux retenues de substitution. Cette amélioration peut se traduire par une augmentation des niveaux de plusieurs mètres. Les débits des cours d’eau, étroitement liés aux nappes phréatiques, montrent une amélioration de 6 % en moyenne pour le mois de juillet et pouvant atteindre jusqu’à 40 % pour certains cours d’eau. Le bilan indique également une légère dégradation de -1 % observée en hiver. Toutefois, compte tenu des débits importants en cette période, cette dégradation est considérée comme négligeable par le BRGM. Globalement, le BRGM indique que les retenues de substitution ont un impact plutôt positif sur le débit des cours d’eau.
Le rapport met en évidence des effets potentiellement positifs sur les étiages (basses eaux), ce qui est mis en avant par les partisans des bassines. Cependant, il reconnaît également des impacts négatifs en période hivernale, notamment une possible baisse locale des niveaux des nappes phréatiques, point souligné par les opposants. Ces infrastructures pourraient aider à maintenir les usages pendant la première année, voire les premières années, d’une sécheresse pluriannuelle. Cependant, cela se ferait au prix de prélèvements excessifs dans les nappes phréatiques et les retenues, dépassant leur capacité de recharge pendant de telles périodes.
Les effets sur les cours d’eau et les nappes montrent une légère augmentation des débits estivaux des cours d’eau (par exemple +40 % pour le Mignon, équivalent à seulement 0,15 m³/s) avec une amélioration locale des niveaux d’étiage, bien que non significative sur la majorité des points étudiés (seulement 2 sur 19 piézomètres montrent une amélioration notable).
L’eau fonctionnant comme « en circuit fermé », le BRGM estime que l’impact positif des réserves sur la piézométrie et le débit des cours d’eau permettrait un meilleur maintien des zones humides.
Une amélioration potentielle du développement de la biodiversité est également envisagée.
Le rapport confirme que le respect des futures limites de prélèvements en printemps/été permettrait d’améliorer les niveaux des nappes phréatiques pompées, les débits des cours d’eau en période d’étiage (basses eaux) et d’augmenter les quantités d’eau apportées au Marais poitevin et aux zones humides du Mignon et de la Courance. C’est un argument central pour les partisans des bassines.
Le rapport reconnaît que les prélèvements hivernaux pour le remplissage des bassines peuvent localement entraîner une baisse des niveaux des nappes phréatiques, pouvant atteindre jusqu’à 1,5 mètre selon certaines simulations.
Questions négligées :
- Les pertes d’eau par évaporation dans les bassines.
- Les risques sanitaires liés au développement d’algues et de bactéries toxiques.
- L’adaptabilité des méga-bassines au réchauffement climatique et aux sécheresses futures.
- L’impact paysager et la remise en état des terrains après abandon des bassines.
L’impact local n’est pas correctement simulé à cause du maillage trop large (1 km). Les résultats favorables sont souvent sur-interprétés, tandis que les risques, comme l’apparition d’un étiage hivernal ou les effets sur les zones humides, sont minimisés ou ignorés.
Le rapport du BRGM est basé sur un outil et visait à répondre à une question restreinte. Le rapport ne prétendait pas à une évaluation complète et fiable des impacts des méga-bassines.
13 Février 2023 – Communiqué de presse du BRGM
Le 13 février 2023 , en réaction aux critiques, le BRGM publie une note qui explique le contexte, les méthodes et les limites du rapport relatif au projet de réserves de substitution dans les Deux-Sèvres. Le BRGM indique que cette étude n’est pas une étude d’impact complète, mais une simulation technique commandée pour évaluer les effets des prélèvements d’eau sur les nappes souterraines et les cours d’eau, basée sur un modèle régional. Les simulations, calées sur la période 2000-2011, jugée représentative, excluent les impacts récents et futurs du changement climatique.
Cette note rappelle que l’expertise a été commandée en 2021 par la COOP 79 (Société Coopérative Anonyme de l’eau des Deux-Sèvres), qui porte le projet des mégabassines. L’objectif du projet était d’évaluer l’impact d’un nouveau scénario de prélèvement sur les nappes phréatiques et les cours d’eau. L’étude devait alimenter une étude d’impact environnementale et répondre aux exigences du Tribunal Administratif de Poitiers, qui avait demandé une révision des volumes autorisés.
Le BRGM a utilisé un modèle hydrodynamique régional appelé « Jurassique », qui repose sur des données de 2000 à 2011.
Ce modèle simule les effets des prélèvements sur :
- Le niveau des nappes souterraines.
- Les échanges entre nappes et rivières.
- Les débits des cours d’eau.
Les limites du modèle est qu’il ne prend pas en compte les évolutions climatiques récentes et les sécheresses actuelles. L’étude ne mesure pas l’impact des mégabassines sur l’évaporation ou l’utilisation finale de l’eau stockée. L’échelle d’analyse reste régionale, ce qui limite sa précision à une échelle locale.
Deux simulations ont été réalisées :
- Un scénario avec le projet de COOP 79 seul.
- Un scénario intégrant les autres projets de stockage connus dans la région.
L’étude met en évidence des impacts sur :
- Les niveaux de nappes (qui pourraient être plus bas que prévu en cas de sécheresse hivernale).
- Les échanges nappes/rivières, ce qui pourrait affecter le débit des cours d’eau.
- L’impact cumulé des prélèvements est un élément clé à surveiller.
Ainsi, bien que le rapport de 2022 ait servi d’argument central pour les partisans des bassines, ses limites méthodologiques et l’absence de prise en compte du changement climatique rendent ses conclusions sujettes à caution et nécessitent une réévaluation avec le nouveau modèle.
Très vite, ces détracteurs ont soulevé un problème d’actualisation des données et de fiabilité des résultats. La marge d’erreur des simulations est difficile à estimer (écarts de 2 cm pour le niveau des nappes et 5 L/s pour le débit des rivières). Les résultats montrent des tendances générales, mais leur précision doit être relativisée. Il n’y a pas non plus de prise en compte du remplissage effectif des bassines en hiver si les précipitations sont insuffisantes ni d’analyse fine des impacts sur la biodiversité et les zones humides. De plus une actualisation du modèle est en cours et prendra en compte les données jusqu’en 2020-2021 avec des simulations qui intègreront le changement climatique et une meilleure prise en compte des bilans hydriques.
Cette note montre que l’étude du BRGM ne constitue pas une étude d’impact exhaustive, mais une expertise technique limitée à certains aspects du projet. L’absence de prise en compte du changement climatique et des données récentes pose question, tout comme la fiabilité des résultats à une échelle locale. Ces éléments alimentent le débat sur l’impact réel des mégabassines et sur la nécessité de mener des études plus poussées avant toute décision définitive.
15 Mars 2023 – Audition du BRGM au Sénat
La commission des affaires sociales au Sénat auditionne Mme Michèle ROUSSEAU, présidente -directrice générale du BRGM, et M. Pierre PANNET, directeur adjoint de la direction des actions territoriales, à la demande du groupe socialiste.
Attente d’un nouveau modèle?
La fin d’année 2024 marque la fin de l’actualisation du modèle hydrodynamique régional « Jurassique » par le BRGM. Un nouveau modèle hydrologique, financé par des fonds publics, sera disponible fin 2024. Cette mise à jour couvrira la période 2000-2020 avec des améliorations techniques significatives : maillage plus précis, simulation étendue et géométrie optimisée.
Le modèle analysera les niveaux des nappes phréatiques et les débits d’eau, servant de base pour dimensionner les bassins et évaluer les prélèvements. Il pourra également simuler les impacts du changement climatique, bien que l’usage et l’évaporation de l’eau stockée ne soient pas inclus dans l’analyse.
La note indique que la diffusion du modèle sera plus large et disponible sur AQUI-FR.Cependant le site d’AQUI-FR n’a pas été mis à jour depuis 2022.
https://www.geosciences.ens.fr/recherche/projets/aqui-fr

Mais que dit les autres scientifiques et le GIEC, avant et après les événements de Sainte-Soline?
Ci-dessous, une contribution de Christophe Cassou, GIEC sur X, le climatologue affirme qu’il n’y aura “pas plus de précipitations en hiver dans l’avenir Niortais”, ce qui un argument avancé par les pro-bassines de la Sèvre Niortaise pour continuer les projets d’aménagement.
Dans de nombreuses interviews, on lit/entend: "le #GIEC montre que les précipitations vont augmenter en hiver sur 🇫🇷". C'est faux.
— Christophe Cassou (@cassouman40) March 26, 2023
Les modèles les +récents (voir carte) ne corroborent pas cette conclusion, les changements étant non significatifs. L'incertitude est grande!
Un🧵 pic.twitter.com/Ictf1qek3M
Ces prélèvements risquent d’aggraver les sécheresses, contribuant à des phénomènes dits de sécheresses « anthropiques », déjà fréquents aujourd’hui. D’après le collectif » Bassine Non Merci! » Le rapport 2022 du BRGM, souvent présenté comme une preuve scientifique par les partisans des méga-bassines, utilise le modèle hydrologique « Jurassique » pour simuler l’impact des prélèvements hivernaux sur les nappes et les cours d’eau. Ce modèle, conçu pour une échelle régionale, n’est pas adapté à des analyses locales, ce qui limite la fiabilité des conclusions.
Selon Magali Reghezza, géographe et membre du Haut Conseil pour le climat (HCC) et Florence Habets, Directrice de recherche CNRS en hydrométéorologie, professeure à l’École normale supérieure (ENS) – PSL , Les réservoirs artificiels (barrages, lacs artificiels, bassins) se sont développés depuis le XXᵉ siècle, avec plus de 600 000 plans d’eau en France métropolitaine, majoritairement d’origine humaine (98 %). Cependant, ces réservoirs présentent des limites :
- Impacts sur l’environnement et l’hydrologie.
- Perte d’eau par évaporation, accentuée par le réchauffement climatique.
- Dégradation de la qualité de l’eau stagnante, surtout en période de pénurie.
Des scientifiques et le collectif « Bassines Non Merci ! » critiquent le rapport, pointant les impacts négatifs hivernaux, le risque d’aggravation des sécheresses et l’inadéquation du modèle hydrologique utilisé.
Le groupe de travail 2 du 6eme rapport du GIEC traitant les « Impacts, adaptation et vulnérabilité », publié le 28 février 2022 critique les méga-bassines comme solution face à la crise de l’eau et au réchauffement climatique, les jugeant coûteuses, peu écologiques et insuffisantes. Leur efficacité est compromise par l’évaporation accrue due aux températures élevées, et par la variabilité des précipitations hivernales. Ces dernières, souvent intenses et irrégulières, favorisent le ruissellement plutôt que l’infiltration dans les nappes phréatiques, limitant leur rechargement. Le rapport du GIEC souligne également que les bassines peuvent aggraver le stress hydrique localement, un phénomène qualifié de « maladaptation ». En effet, elles soutiennent des modèles agricoles intensifs en eau, qui nécessitent une transformation pour s’adapter à la crise climatique. Les solutions plus durables incluent la régulation de la demande en eau, la transformation des usages agricoles et industriels, et des systèmes d’alerte sécheresse.Bien que les méga-bassines puissent être utiles dans certains contextes spécifiques, elles ne peuvent constituer une solution unique. Le GIEC appelle plutôt à des approches systémiques intégrant diverses mesures pour répondre efficacement aux défis hydrologiques à venir.
Source: https://youmatter.world/fr/categorie-environnement/mega-bassines-giec-efficace-ecologique-brgm/
L’INRAE et l’OFB ont publié cette étude courant de l’année 2024.
L’étude analyse les impacts écologiques et hydrologiques des prélèvements d’eau effectués hors période d’étiage (c’est-à-dire en hiver et au printemps, lorsque les cours d’eau ont un débit plus élevé).
Face à la raréfaction de l’eau en été et l’augmentation des sécheresses, les prélèvements en période de hautes eaux (hiver et début du printemps) sont une solution avancée pour assurer l’irrigation estivale via des retenues de substitution. Mais ces prélèvements en hiver pourraient modifier l’écosystème des cours d’eau et affecter leur fonctionnement.
Les hautes eaux ne sont pas des eaux “perdues”, elles jouent un rôle crucial dans le transport et dépôt des sédiments, participant à la morphologie des rivières, dans le maintien des habitats aquatiques en assurant leur renouvellement et leur connectivité. Il s’agit aussi du cycle de vie des espèces aquatiques (poissons, invertébrés), notamment pour la reproduction et la migration.
L’étude pointe les nombreux effets des prélèvements en période de hautes eaux, comme la modification du régime hydrologique (réduction des crues et des flux d’eau naturels), les impacts sur les écosystèmes (si moins de transport de sédiments = augmentation du colmatage des fonds de rivières), et avec une diminution de variations de débit, il faut s’attendre à une perte de diversité des habitats aquatiques (et donc une diminution de la productivité biologique dans les cours d’eau. pour les espèces piscicoles).
L’étude propose de définir des indicateurs comme des indicateurs de volume prélevables (pour estimer l’eau qui peut être retirer du milieu sans dégrader les écosystèmes) et des indicateurs écologiques (pour suivre l’évolution des habitats).
Recommandations de l’étude
- Mieux encadrer les prélèvements d’eau en hiver pour éviter une altération des crues naturelles.
- Développer des outils d’évaluation locale pour ajuster les volumes prélevés en fonction de chaque bassin versant.
- Prendre en compte les effets à long terme des modifications du régime hydrologique sur les écosystèmes.
- Renforcer la recherche et la surveillance des cours d’eau pour anticiper les impacts du changement climatique.
Cette étude montre donc que les prélèvements en hiver ne sont pas forcément sans impact et qu’il est essentiel de mieux réguler ces pratiques
Analyse des données de EXPLORE2 et arguments scientifiques
EXPLORE2 a publié ses résultats au compte-goutte entre Juillet et Octobre 2024 et début 2025. (voir présentation d’Explore 2 sur la page « Quelles conflictualités autour de l’eau en 2050?)
Je suis allée sur le site des résultats d’EXPLORE 2 pour en tirer les fiches de résultats et d’incertitudes reposant sur Mauzé-le-Mignon, et alentours de Sainte-Soline. Car tout semble indiquer qu’il y aura davantage de précipitations hivernales..Argument en faveur des projets de mégabassines.
Données issues de « Evolution de variables clefs descriptives du régime hydrologique » (notice explicative), par
rapport à la période de référence 1976-2005, sur la base du scénario d’émission de GES le plus pessimiste (RCP8.5) concernant les débits et les niveaux de nappe, au regard des décisions politiques actuelles qui vont vers toujours plus d’émission à l’échelle régionale
comme à l’échelle globale.
Pour 3 stations prises sur le bassin de la Sèvre Niortaise représentatives des environs de Sainte-Soline, l’une au Nord (Sainte-Eanne – N400061001), l’une à l’Ouest (Mauze-Sur-LeMignon – N600302002) et l’une au Nord-Ouest (Echiré – N411062001), pour les 4 différentes narrations confondues et à tous les horizons proche (2021-2050), milieu de siècle (2041-2070) et fin de siècle (2070-2099) :
- Débit journalier maximal annuel en augmentation : les débits annuels augmentent du fait de précipitations plus marquées en hiver alors même que les précipitations en été vont diminuer (cartes 1 et 2 en annexe) ;
- Moyenne annuelle du débit journalier n’évoluerait que peu (pas d’accord trouvé entre les modèles sur une augmentation ou une diminution marquée) : les débits moyens annuels ne devraient pas tant évoluer du fait d’une moyenne entre plus de précipitations l’hiver et moins l’été et d’une incertitude sur l’alternance entre les années pluvieuses / les années sèches ;
- Minimum estival de la moyenne sur 10 jours du débit journalier en baisse : ce débit permet d’évaluer les basses eaux d’été, il sera nettement moins important.
- Concernant les projections de niveau de nappes, nous avons des situations plus contrastées et des modèles avec beaucoup plus d’incertitude (carte 3 en annexe). Globalement, le bassin de la Sèvre Niortaise devrait être marqué, pour les parties aquifères, par une stagnation (scénarios violet et orange) voire une légère augmentation (scénarios jaune et vert).
Les numéros correspondent aux stations dont les fiches synthèse Explore 2 sont
téléchargeables : https://entrepot.recherche.data.gouv.fr/dataverse/explore2
4 scénarios de réchauffement climatique étudiés avec des différences en termes de
précipitations essentiellement :
- réchauffement marqué mais augmentation nette des précipitations,
- réchauffement progressif sans différence de pluviométrie,
- fort réchauffement avec fort assèchement estival et global annuel,
- Fort réchauffement avec forts contrastes saisonniers en précipitations.

Selon ces projections (à ne pas confondre avec des prévisions), les mégabassines pourraient semble-t-il répondre au problème de disponibilité temporelle de la ressource entre les périodes de sur-précipitations l’hiver, alors que les usages agricoles sont nuls (pas d’irrigation l’hiver), et les périodes de sécheresse marquées lorsque la demande en eau est forte pour les cultures irriguées.
Or
« En Espagne, l’analyse des sécheresses entre 1945 et 2005 par Lorenzo-lacruz et al.
(2013b) montre que les sécheresses les plus sévères et les plus longues ont eu lieu sur
les bassins les plus régulés par la présence de barrages. Lorenzo-lacruz et al. (2013)
estiment que la création grands volumes de stockage d’eau pour l’irrigation ne permet
pas d’assurer une alimentation en eau lors des longues sécheresses. »(review de Florence Habets, 2019, hydrologue et directrice de recherche au CNRS)
Et on peut ajouter de même pour les stockages d’eau issue des nappes souterraines :
« De nombreux prélèvements sont également effectués en nappe. En Angleterre,
Tijdeman et al. (2018) ont trouvé que des bassins marqués par des prélèvements en
nappe ont de plus grandes occurrences de sécheresses. » (ibid)
Finalement, « la gestion de la ressource en eau par l’offre incite à un cercle vicieux »
Globalement, F. Habets montre à travers cette revue internationale le lien étroit entre
stockage d’eau dans des retenues et augmentation des sécheresses longues, à tel point
qu’on parle aujourd’hui de sécheresse anthropique en-dehors de tout facteur climatique /
météorologique.
Les prélèvements et les réservoirs humains entrainent des situations de pénurie qui, par un
forçage négatif rétroactif (cercle vicieux), entraine une demande toujours accrue et des
stockages hors-sol, de fait encore plus de sécheresses longues.
« Di Baldassarre et al. (2018) estiment que la gestion de la ressource en eau par l’offre
génère une dépendance croissante à l’égard des infrastructures d’approvisionnement
en eau, ce qui accroît la vulnérabilité et les dégâts économiques en cas de pénurie
d’eau.
Or, ces pénuries se produiront de façon quasi-certaine dans le futur du fait du
changement climatique qui va accentuer les sécheresses en termes de durée et en
intensité dans de nombreuses régions. »
Il faut comprendre que les réservoirs, s’ils réduisent momentanément la sécheresse agronomique, augmente drastiquement la sécheresse hydrologique et les risques associés (diminution de la qualité de l’eau par manque de dilution, canicule, incendie, perte de
biodiversité accrue, désertification…).
» Les aménagements humains permettront de réduire la sécheresse agronomique
(d’environ 10%), mais conduiront à une augmentation nette de l’intensité des
sécheresses hydrologiques (50% pour le RCP2.6, entre 10 et 50% pour le RCP8.5 pour
lequel ces sécheresses sont déjà très importantes dans le scénario sans naturel). »
La question posée par l’étude du BRGM est donc trop restreinte. Il ne s’agit pas simplement de regarder les impacts passés des réservoirs sur les niveaux de nappe et les débits des cours d’eau, mais d’analyser les impacts futurs d’une pluralité de réservoirs toujours plus nombreux, dans un contexte de réchauffement marqué à fortement marqué (selon les scénarios), puisque le réchauffement fort est désormais indéniable, au-delà largement des impacts locaux et en tenant compte de l’effet réservoir que décrit Di Baldassare.
Magali Reghezza et Florence Habets définissent le réservoir, qu’il soit mégabassine ou une multitude de petites retenues, comme une maladaptation de nos sociétés technocratiques. Elles parlent de « mythe du stockage » basé sur la croyance que les réservoirs se rempliront
forcément, alors qu’il ne suffit pas d’avoir une cruche pour avoir de l’eau
(texte rédigé pour Bonpote, publié le 25/08/2022, mis à jour le 04/02/2025 : https://bonpote.com/les-megabassines-sont-elles-des-solutions-viables-face-aux-secheresses/).
« Les lacs de barrages ne se remplissent pas en stockant la pluie qui tombe, car le bilan
d’eau serait alors équivalent à celui d’un grand seau, c’est-à-dire à la somme des pluies
qui tombent sur le réservoir, moins l’évaporation potentielle (car sans résistance). Ce
bilan est toujours négatif en France… sauf sur les sommets enneigés qui ne peuvent
évidemment pas accueillir de réservoir. »
Selon Vincent Bretagnolle, écologue et directeur de recherche au CNRS, il s’agit bien davantage de recréer des paysages, des territoires « éponge » qui permettront de ralentir le cycle de l’eau et de la conserver pour un usage mieux équilibré et partagé. Il propose de
mettre en avant les solutions fondées sur la nature permises par la vitalité des écosystèmes et de la biodiversité (article du 13/09/2023, CNRS Le Journal :
https://lejournal.cnrs.fr/billets/les-megabassines-ne-resoudront-pas-la-crise-de-leau).
L’hydrologue Agnès Ducharne, directrice également de recherche au CNRS, précise que les cultures irriguées n’ont pas toujours été au centre de notre agriculture (entretien du 19/09/2024 sur Vert : https://vert.eco/articles/agnes-ducharne-hydrologue-il-y-a-uneprivatisation-de-leau-cette-ressource-essentielle-transformee-en-euros). L’eau n’est que le reflet de l’appropriation d’une ressource naturelle qui définit bien notre époque, allant jusqu’à assécher des fleuves entiers pour des raisons pécuniaires, loin de l’intérêt général.
Annexes



Pour précision, la fiche incertitude et la notice de lecture des fiches résultats
Une note technique avait déjà été publiée en 2021 par le SIGAL. En bref, voici ce que nous apprend cette note: