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L’analyse de controverse, une pratique de réflexivité pour les médiateurs scientifiques?

L’analyse de controverse, une pratique de réflexivité pour les médiateurs scientifiques?

Rapport d’étonnement – interprétation personnelle  

 Ce que permet la controverse: comprendre la réflexivité 

La réflexivité est une capacité intellectuelle et critique qui consiste à adopter une posture de recul sur ses propres actions, pensées ou croyances. Cela implique de questionner ses présupposés, d’analyser les influences de son contexte, et d’examiner les biais ou limites de son propre raisonnement. Introduite notamment par John Dewey en 1933, la réflexivité vise à remplacer les réactions instinctives par une pensée prudente et informée. Elle est essentielle dans les pratiques éducatives et scientifiques, car elle permet de mieux comprendre la complexité des situations et de développer des jugements critiques, contextualisés et éthiques.

Choc de culture, cadre d’étude…et  sciences sociales 

Démarrage difficile, je ne comprends rien à ce qu’on me demande de faire. Je viens des sciences dures. Je suis ingénieure, j’ai vécu plusieurs expériences professionnelles dans l’industrie, la logistique et la médiation culturelle et scientifique. J’ai appris les dialectes informatique, pharmaceutique, humanitaire, agroalimentaire et karstique. Mais là c’est du chinois! On me parle de controverses, de méthodologies hypothético-déductives ou inductives, d’analyse de corpus, de sémantico-argumentatif… 

Le choc des cultures est brutal!  J’ai compris très tard les bases du travail demandé: définir un cadre méthodologique, un corpus d’analyse clair et partagée, avec des sources diversifiées et représentatives, s’articuler en groupe.  J’ai relu, revu les supports de cours, et réalisé sûrement autant de recherches sur l’étude des controverses en elle-même que sur la controverse des mégabassines. Qui sait, j’écrirai peut-être un article un jour dans mon blog qui s’intitulerait “comment analyser une controverse pour les nuls”.

Bref, je découvre les sciences sociales,  l’information-communication, ses outils et sa “pensée”. La marche a été haute: le rythme de l’UE est  soutenu. Le temps à disposition  pour réaliser le travail d’analyse est très contraint au vu de ma charge de travail.  

Étude des controverses: entre frustrations, apprentissages et enthousiasme

L’analyse (concevoir une grille de lecture, la remplir, lire tellement d’articles), je l’ai vécu en besogneuse…Ce qui est frustrant, c’est la restitution et les synthèses à rédiger… C’est long et indispensable pour rendre compte du travail exploratoire…Mais à ce moment-là on a plus du tout envie d’y travailler. Il y a de nombreux outils présentés lors des cours qui auraient été utiles à prendre en main, afin de mieux restituer “graphiquement” la controverse, mais le temps a manqué pour cela aussi.

 En explorant des débats complexes et médiatisés, je me suis confrontée à une pluralité de points de vue, d’acteurs et d’arguments souvent contradictoires. Cette démarche m’a poussé à appréhender la complexité des relations et à questionner les croyances. L’approche par la controverse a stimulé ma curiosité grâce à la découverte de perspectives divergentes. Je ressors du cours convaincue que la controverse sociotechnique (et son intéressement) est une arme de construction massive de connaissances, riche de débats, d’idées, et porte l’espoir d’une démocratie directe, multilatérale, partagée. Avant, je me cachais les yeux dès qu’une controverse éclatait dans les médias. Aujourd’hui, je trouve intéressant d’y plonger, mains dans le cambouis, pour appréhender la globalité des arguments !

Ce qui gouverne…la controverse éternelle?

Est-ce à dire que toute controverse serait “porteuse” du même ADN? Des acteurs économiques souhaitent accaparer le bien commun pour plus de profits. Des connaissances scientifiques, influencées potentiellement biaisées, servent les intérêts de quelques-uns. Une négociation et un “deal” se conclut à huis clos. Des protestations sont d’abord pacifiques, mais elles dégénèrent. Des médias se bousculent dans la mêlée. Des scientifiques  tentent de corriger les erreurs d’interprétations. Et l’Etat apparaît comme “pris au piège” entre ce qu’il doit aux uns, et ce qu’il espère des autres, entre intérêt national et préoccupation locale…Dans notre société de communication, les médias jouent un rôle actif dans la structuration des controverses. Ils rendent le conflit public: la bataille de l’opinion peut alors commencer. Comment l’Etat peut jouer le rôle d’arbitre neutre quand il est lui-même englué dans des conflits d’intérêts?  La justice et ses tribunaux trancheront les litiges. Mais de nouvelles études scientifiques amèneront peut-être à de nouvelles dispositions qui légitimeraient demain ce qu’on a interdit de faire hier.

Accompagnée de l’ouvrage Le Gouvernement des technosciences de Dominique Pestre, et des cours sur les controverses dispensés par Michel Letté et Maryse Carmes, j’ai compris que les controverses sociotechniques existent depuis longtemps (notamment en ce qui concerne les ressources environnementales) et seront toujours là dans le futur. Les rationalités qui s’opposent ne sont pas prêtes de disparaître. Les arguments mobilisés lors de ces conflits  font échos à des représentations, à des idéologies depuis longtemps rebattues. 

Il s’agit de la complexité universelle de notre monde, de ses luttes de pouvoir, de notre idée du commun. Voilà ce à quoi l’étude des controverses nous prépare : elle amène à réfléchir aux formes de compromis voire de forums hybrides. Elle nous fait repenser les formes de démocraties.  

Le cours de Michel Letté sur les controverses environnementales a apporté un écho (et une profondeur historique – je pense aux usines de soudes) sur la controverse des mégabassines dans les Deux-Sèvres, controverse qui, je m’en rends compte, fait parti d’une « famille » de controverses qui serait intéressant de cartographier.

Remerciements : travail des autres auditeurs et médiateurs scientifiques – une inspiration bienvenue

Je ne pourrai conclure ce billet sans saluer le travail des autres auditeurs et médiateurs scientifiques qui m’ont inspiré dans la façon de conduire l’analyse ou mes projets pour restituer la controverse. D’abord, merci à la promotion antérieure du CNAM, et notamment à Cécile Raphoz, pour m’avoir apporté un soutien et un contexte d’analyse. Le travail qui a été fait par son groupe nous a servi comme d’un pied à l’étrier (même s’il était très intimidant! ) pour se lancer dans une proposition à nous (qui ne portait pas sur le même angle d’analyse).

Je vous remets ici leur site internet afin que vous puissiez en profiter et pour référence:

https://fabienneblanquarta.wixsite.com/my-site-2/arbre-des-d%C3%A9bats

Je remercie Marie-Catherine (d’un autre groupe de controverse, mais dans le même bateau !) et bien sûr Clotilde, ma binôme, pour leurs conseils tant sur la méthodologie que sur le maintien de la motivation!

Je salue aussi le travail concis dans la mise en forme des éléments des « Controverses de Mines Paris » 2023, auxquels je pense comme des collègues médiateurs, que vous trouverez sur le site ci-contre https://controverses.minesparis.psl.eu/public/promo22/PC7Megabassines.pdf .

Je souhaite aussi rendre « hommage » à Alexandre Deloménie, qui par un exercice de « conférence » propose un contenu de médiation scientifique accessible à tous et de qualité sur la controverse des mégabassines. Cela m’a permis de voir à quel point le travail du médiateur apporte de la plue-value pour tenter d’y voir plus clair autour de traitements médiatiques de plus en plus foisonnants qui se placent dans une temporalité différente que la science. Je vais me permettre donc de faire de la publicité pour son travail que je vous invite à découvrir ici son travail.

Merci aussi journalistes médias et scientifiques, et aux associations, qui sont des véritables machines à fabriquer de la médiation sur tous les contenus! Je pense bien sûr aux sites d’associations environnementales et au site de Bassines non merci! qui est fourni en vidéos, et supports de médiation et de communication (je vous ai mis un exemple de BD, mais je vous rajoute deux trois choses) https://www.bassinesnonmerci.fr/. On comprend que « le nerf de la guerre » dans les controverses, c’est bien la possibilité de communiquer clairement, avec des supports, des messages forts, pour avoir l’adhésion du public.

Suggestions…

Je pense qu’il serait bénéfique de contraindre les élèves avec un cadre, une grille d’analyse et des outils communs (carte mentale, logiciel de frise chronologique, type site internet etc). Cela permettrait de “focaliser” l’attention sur le fond de la controverse et d’approfondir les apprentissages de quelques outils (et sur ce point, on pourrait se permettre d’être ambitieux).Cela permettrait aussi de “gommer” des différences de parcours des élèves, de lisser les groupes hétérogènes, notamment.